LA MER DE GLACE

Introduction

La Mer de Glace est un glacier français, situé sur le massif du Mont-Blanc. Il mesure 30 km² de large, 12 kilomètres de long et 300 mètres d’épaisseur, ce qui en fait le plus grand glacier de France et le troisième des Alpes.

Ce géant de glace est cependant menacé : le changement climatique le fait fondre rapidement. Chaque année, le glacier se raccourcit de 30 à 40 mètres et perd 4 à 5 mètres de son épaisseur en aval. Depuis 1850, la Mer de Glace s’est retirée de 2 kilomètres. Les scientifiques prédisent qu’elle pourrait se retirer de 1,2 kilomètre supplémentaire d’ici 2040.

L’importance des glaciers peut être observée à des centaines de kilomètres en aval sur les écosystèmes et les activités humaines. Les glaciers jouent un rôle crucial dans la régulation des flux hydrologiques, du climat mondial et ont un impact sur l’augmentation du niveau des mers.

Si les glaciers venaient à disparaître, les conséquences seraient désastreuses et sans précédent pour la biodiversité (y compris les êtres humains et non humains). Avec l’expansion thermique des océans, la fonte des glaciers et des calottes glaciaires de l’Antarctique et du Groenland est la principale cause de l’élévation du niveau de la mer à l’échelle mondiale.

La conservation des glaciers est essentielle et ne peut être réalisée qu’en s’attaquant au changement climatique.

 

 

L’État français porte une responsabilité envers les glaciers, par son faible niveau d’action et une violation globale des engagements internationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Glaciers

Présentation

Les humains sont en train de faire disparaître la Mer de Glace. Il est urgent de reconnaître son droit à exister. Les chiffres exposés auparavant sont indéniables. Chaque année, le glacier devient plus petit et plus mince. Sa nature même se transforme : des sédiments s’accumulent, des lacs apparaissent. Son droit à exister est directement menacé.

Le droit de la Mer de Glace à se régénérer doit également être reconnu. Il n’est pas trop tard et si on lui donne une chance, on peut encore compter sur sa résilience. Contrairement à la plupart des glaciers, les glaciologues estiment que la Mer de Glace a de bonnes chances de survivre, si nous parvenons à changer notre trajectoire actuelle néfaste et à atténuer le réchauffement climatique.

Les modélisations scientifiques montrent qu’en se rapprochant des objectifs de l’accord de Paris (plus précisément en respectant la trajectoire 2.6 du PCR du GIEC*), la Mer de Glace pourrait conserver jusqu’à 70 % de son volume actuel d’ici la fin du siècle.

En revanche, si les concentrations de gaz à effet de serre restent les mêmes qu’aujourd’hui, le glacier perdra plus de 90% de son volume actuel. La Mer de Glace est l’un des glaciers les plus résistants et pourrait connaître un dégel relativement limité si les engagements nationaux et internationaux en matière de climat sont respectés.

Le droit de la Mer de Glace au maintien de ses cycles naturels doit également être reconnu. L’équilibre du glacier est rompu, et par conséquent, tout l’écosystème alpin environnant l’est également.

Reconnaître le droit de la Mer de Glace à exister et à se régénérer, c’est protéger des droits fondamentaux pour les humains et les non-humains.

Enfin, un glacier est comme un château d’eau. Notre impact sur les glaciers revient à menacer l’accès aux ressources en eau des êtres humains et non-humains vivant autour du glacier et en aval. Les glaciers détiennent la grande majorité des ressources en eau douce de la Terre.

International Rights of Nature Tribunal

En été, lorsque l’eau douce se fait rare, ils constituent une source d’eau substantielle. Les populations, humaines et non humaines, qui vivent en aval des glaciers dépendent donc de leur présence.

Avec le dégel des glaciers, le droit fondamental à l’eau des humains et des non-humains est également menacé.

 

*Representative Concentration Pathway

Témoignage de Yann Borgnet:

Il n’est pas toujours facile de ressentir réellement les effets du changement climatique. Partout, ils sont exprimés en termes numériques et en descriptions des perturbations qu’ils entraînent. Mais comme les faits touchent rarement nos sens, ils sont rarement perçus directement. Vivre une partie de l’année en haute montagne fait entrer les incertitudes du changement climatique dans notre vie quotidienne. Nous vivons et réagissons au changement climatique mais nous passons peu de temps à y réfléchir consciemment. Car une réflexion trop approfondie peut mettre l’alpinisme et le guidage en montagne sur une voie dangereuse vers la surplanification. Vivre avec les incertitudes qu’apporte le changement climatique exige de ne pas se limiter à une partition détaillée, mais de miser sur le sens de l’écoute.

La Mer de Glace est probablement le glacier des Alpes françaises qui exprime le mieux la cacophonie des mélodies parfois contraires. Les sons se rencontrent et se mélangent. Tantôt informatifs, tantôt inopportuns, ils révèlent le choc de deux mondes.

L’ancien monde a mis en lumière cette bande de glace, appelée “grand glacier”, que les gens viennent de loin pour voir depuis plus d’un siècle. Le train du Montenvers, prouesse technologique réalisée en 1919, a apporté l’accessibilité et donc la renommée à la Mer de Glace. De nombreux projets étaient alors prévus dans la vallée de Chamonix, mais seuls quelques-uns ont été réalisés. L’un d’entre eux était destiné à transporter des personnes jusqu’à quelques centaines de mètres du sommet du Mont-Blanc, mais finalement la construction de la ligne de train s’est achevée au Nid d’Aigle, à mi-chemin de la montagne. C’était une époque où l’accessibilité totale aux glaciers et aux sommets était primordiale. Mais aujourd’hui, alors que la Compagnie du Mont-Blanc rêve de prolonger deux lignes de train, les choses ont-elles vraiment changé ?

Les sons de la Mer de Glace

Les moraines entourant la Mer de Glace s’effondrent, été comme hiver, depuis je ne sais combien de temps. Peu à peu, mais avec un grondement qui me fait toujours frissonner. Je n’arrive pas à m’y habituer. Il suscite une anxiété qui s’enracine lentement comme une peur profonde et insidieuse. Que devient le glacier qui a fait la réputation de Chamonix ? Que lui font ces bruits ? Le glacier se retire, comme dans la honte. Il se recouvre de roches et devient un glacier noir. L’hiver dernier, il était difficile de descendre la Vallée Blanche à ski. Des images éparses et saisissantes.

Un autre son, malheureusement caractéristique du massif du Mont-Blanc, est le brouhaha des turbines d’hélicoptères et des avions bimoteurs de tourisme. Bruits de fond constants, ils inspirent le dégoût plutôt que la peur. Pour permettre à quelques touristes d’accéder facilement aux glaciers de haute montagne, des milliers d’alpinistes et d’autres personnes cherchant à profiter de la paix du milieu naturel doivent supporter ce bruit envahissant, une appropriation de l’espace. Peut-on vraiment laisser le Mont-Blanc être le seul massif à ne pas être protégé de projets aussi douteux ?

Certains bruits sont plus occasionnels, dispersés et disparates. Des actions isolées qui résonneront longtemps. Certaines peuvent paraître anodines, mais leurs effets cumulés sont vertigineux : plus de 600 mètres linéaires d’échelles ont été installés pour accéder aux cinq refuges de montagne entourant la Mer de Glace. D’autres efforts pour s’accrocher à l’ancien monde évoquent le mythe de Sisyphe : chaque année, la Compagnie du Mont-Blanc creuse une nouvelle grotte de glace dans le sol pierreux. Il y a toujours de la glace en dessous, mais pour combien de temps ? Les escaliers qui mènent à la grotte sont prolongés chaque année et, avec eux, des panneaux indiquent le niveau du glacier à certaines dates. Des observations sans conséquences. Des projets potentiels sont discutés dans la presse : si la glace n’est plus visible en dessous, devrions-nous étendre le bras robotique jusqu’à ce qu’il soit à nouveau visible ? Mais combien de temps cela durerait-il ?

L’accès illimité au massif du Mont-Blanc et à la Mer de Glace doit maintenant être remis en question. Combien de temps serons-nous obligés de suivre la partition de l’ancien monde, une symphonie qui ne permet aucune déviation ni improvisation. Quand allons-nous écouter la polyphonie improvisée, issue de nombreuses voix disparates, jusqu’à présent muettes ? La Mer de Glace n’est plus qu’un simple résidu de glace recouvert de débris rocheux, un résidu de l’ancien monde. C’est sur cette ruine du capitalisme que doivent être composées de nouvelles et joyeuses mélodies.

Sur le plan personnel, l’improvisation s’est immiscée dans mon travail de guide de montagne. Au début de l’été 2020, nous avons escaladé la moraine chaotique vers les échelles menant au refuge du Couvercle. Lors du premier voyage post-blocage, ni Antoine, mon client, ni moi ne voulions trop nous pousser. Rien de prévu, seulement un objectif ambitieux divisé en étapes plus faciles : traversée des Droites, bivouac en haute montagne, traversée des Courtes. Une étape à la fois, nos sacs remplis de matériel de bivouac afin de pouvoir jouer à l’oreille plutôt que d’essayer de suivre un score préétabli. Nous avons dormi juste sous le pic des Droites, où nous avons pu observer la décomposition des glaciers. Nos souvenirs du bivouac resteront dans nos mémoires bien plus longtemps que nos souvenirs du sommet.

L'équipe

The Mer de Glace defence team at the Rights of Nature Tribunal:

L’avocate du glacier

International Rights of Nature Tribunal

Marine Izquierdo

Avocat et coordonnatrice à Notre Affaire à Tous, engagée dans la justice climatique et la reconnaissance des droits des entités non humaines.

L’expert scientifique

International Rights of Nature Tribunal

Jean-Baptiste Bosson

Glaciologue et géomorphologue, auteur de la première étude sur les glaciers du patrimoine mondial de l’humanité.

La victime

International Rights of Nature Tribunal

Mountain Wilderness France, represente par Fiona Mille.

Conseiller en régénération des écosystèmes industriels et territoriaux, administrateur de Mountain Wilderness France depuis 2018.

Marine Yzquierdo 

Lawyer and coordinator in Notre Affaire à Tous, committed to climate justice and the recognition of rights to non-human entities.

The Witness

International Rights of Nature Tribunal

Yann Borgnet

Yann est un guide de montagne de 29 ans et membre fondateur du collectif “Alpines Lines” qui vise à apporter un changement dans l’alpinisme et les activités de plein air en montagne en général. Il prépare également un doctorat en géographie sur l’adaptation des sports de montagne au changement climatique.

The Legal Advisor

International Rights of Nature Tribunal

Pierre Spielewoy

Doctorant en droit international de l’environnement au Centre Universitaire Rouennais d’Etudes Juridiques à Rouen (France) et également doctorant en éco-anthropologie et ethnobiologie au Muséum National d’Histoire Naturelle.

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Notre Affaire à Tous

Droit de la Nature et Justice Climatique

Notre Affaire à Tous est une association qui utilise le droit comme un moyen de protéger le vivant, notre patrimoine commun et le climat.

https://notreaffaireatous.org/

Mountain-Wilderness-France-Logo

Mountain Wilderness France

Protection de la montagne

Mountain Wilderness défend une relation à la montagne basée sur le respect des hommes et de la nature.

https://www.mountainwilderness.fr/

Législation

En reconnaissant aux glaciers le droit d’exister et de se régénérer, nous protégeons également les droits fondamentaux des êtres humains et non humains. Il existe un lien d’interdépendance indéniable entre les êtres humains, les non-humains et les glaciers.

Nous demandons donc au Tribunal de reconnaître que pour garantir les droits des êtres humains et non humains, nous devons reconnaître et faire respecter les droits de la Terre mère et des éléments naturels qui la composent, notamment la Mer de Glace, et à cette fin :

de reconnaître la qualité de sujet de droit de la Mer de Glace ;

de défendre les droits de la Mer de Glace à exister, à se régénérer et à avoir des cycles naturels ;

de nommer des représentants à la Mer de Glace qui défendront ses intérêts et participeront à toute décision concernant le glacier, même à distance ;

de faire respecter le respect par l’État français de l’accord de Paris et notamment de l’objectif de réduction de 45 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 ;

de créer une zone protégée autour du glacier.

Passer à l'action

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